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Des fourragères adaptées au changement climatique

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Dans le cadre du projet Ô ton herbe, la Chambre d’agriculture 64 et la coopérative Mendikoa ont expérimenté l’implantation

de différentes variétés de luzerne et de fourragères estivales.

Face à un changement climatique qui s’amplifie, l’adaptation de la ressource fourragère en tant que telle et de sa valorisation sont cruciales. Parmi les différents leviers d’adaptation, le choix d’espèces et de variétés fourragères plus adéquates est primordial. Dans le cadre du projet Ô ton herbe, financé par la Fondation Avril, la Région Nouvelle-Aquitaine et l’Agence de l’eau Adour-Garonne, les travaux menés par la Chambre d’agriculture 64 et la coopérative Mendikoa avaient pour objectif, en particulier, d’expérimenter différentes variétés de luzerne et de fourragères estivales davantage adaptées aux conditions climatiques présentes et futures.

Les luzernes méditerranéennes
Lorsqu’on choisit une variété de luzerne, le critère de dormance est majeur. Il est exprimé par une note allant de 1 (très dormant) à 12 (non dormant). Une dormance élevée permet un repos végétatif précoce à l’automne et tardif au printemps : ces variétés (type Nord ou Flamandes) sont ainsi plutôt adaptées à des climats aux hivers rigoureux. A contrario, les variétés à dormance faible (type Sud ou Méditerranéennes) ont une pousse plus étalée sur l’année.
Chez un agriculteur souletin ont été semés, au printemps 2022, trois types de luzerne, en lien avec les semenciers Cérience et Barenbrug : un mélange de quatre luzernes avec différents indices de dormance (2,1 ; 4,2 ; 4,4 ; 6,5), une variété flamande (2,2) et une variété méditerranéenne (7,1). Après deux campagnes de résultats, plusieurs enseignements peuvent être tirés.
En 2022, le rendement moyen, pour du fourrage séché en grange et pour cinq coupes, se situait autour de 8 tonnes de MS/ha, et ce malgré l’été sec. Cela montre que, de manière générale, la luzerne résiste bien aux étés chauds et secs. Sur les deux dernières coupes, on a ainsi eu des récoltes de 2 tonnes MS/ha et 1 tonne MS/ha en septembre et octobre. En 2023, année plus favorable, le rendement était environ de 12 tonnes de MS/ha. Concernant les analyses, nous sommes en moyenne à 0,85 UFL et à 22 % de MAT. Les dernières coupes, en septembre 2022, atteignent 0,90 UFL et 25 % de MAT.
Si l’on compare les trois variétés/mélanges, il n’a pas été observé de différences significatives sur les rendements globaux ou les valeurs. Par contre, le ressenti des éleveurs témoigne de différences sensibles: ceux-ci ont observé que la production des luzernes méditerranéennes était plus étalée, avec moins de volume sur les deux grosses coupes printanières, et donc un fanage et un séchage plus rapide. L’expérience sera en tout cas renouvelée, au-delà de l’essai, du fait de ce séchage plus facile.

Les fourragères estivales
En parallèle, chez deux éleveurs basques ont été mis en place des essais de plantes fourragères estivales en interculture, pour une valorisation sur 3-4 mois, là aussi avec la participation des semenciers Barenbrug et Cérience. L’objectif était de tester des plantes résistantes à la sécheresse et à la chaleur, en particulier le moha, graminée originaire d’Asie du Sud-Ouest, et le teff grass, graminée provenant d’Éthiopie.
Chez un premier éleveur, ont été testés trois mélanges, semés fin mai : un mélange moha-teff grass; un mélange moha-trèfle d’Alexandrie-vesce velue ; un mélange teff grass-trèfle d’Alexandrie, trèfle de perse. La levée a été moyenne, du fait de pluies importantes le lendemain du semis. Quant à la récolte, en enrubannées fin juillet 2023, elle s’est faite trop tardivement du fait de l’absence de fenêtres météos adéquates, avec du moha qui avait épié. Les analyses, assez similaires pour les trois mélanges, étaient autour de 0,90 UFL et 12 % de MAT, avec un rendement moyen de 2,6 t/ha.
Chez le second éleveur, ont été mis en place du teff grass en pur et un mélange teff grass-trèfle d’Alexandrie, semés début juin. Les résultats sont là beaucoup plus positifs : les rendements sur la première coupe, seulement 5 semaines après semis, sont de l’ordre de 3 t/ha, récoltés en enrubannées à plus de 70 % de MS. Surtout les valeurs, sur les deux mélanges, sont très bonnes en termes de MAT pour les deux mélanges : autour de 19 % de MAT. Malheureusement, après la première coupe, la prairie a vraiment eu du mal à redémarrer, excepté en bord de parcelles. Pour l’éleveur, il n’y a pas de doute: un andainage trop important a fragilisé la végétation, qui n’est pas implantée en profondeur.
Des essais plus souples de ces fourragères estivales ont également donné de bons résultats chez d’autres éleveurs, et notamment lors de l’année 2022 très sèche. Si elles sont plus compliquées à réussir que d’autres cultures, notamment au semis pour le teff gras, ces dérobées estivales peuvent représenter une ressource de choix pour faire du stock et faire pâturer les animaux en été. Elles peuvent également être un moyen de casser le cycle des adventices avant de refaire une vieille prairie, sans utiliser de produits phytosanitaires.
Si, autant la luzerne que les dérobées estivales, ne représentent pas une solution miracle adaptée à toutes les fermes, elles peuvent, ces essais le montrent, représenter un levier parmi d’autres pour maintenir, voire accroître, son autonomie alimentaire dans un contexte de changement climatique. « N’hésitez pas à contacter la Chambre d’agriculture ou Mendikoa pour avoir plus d’informations, notamment sur les itinéraires techniques ! »

Contact : Jean Beudou, Changement climatique, Innovation filière ovine, Chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques